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​Carnaval : mais d’où viennent les groupes à peau ? ​

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Alors que la saison des carnavals s’ouvre le 6 janvier prochain, retour sur les groupes à peau, les électrons libres des défilés.

En Guadeloupe, durant le carnaval défile un type de groupe vraiment typique, qui s’éloigne de la représentation festive et conventionnelle, les groupes à peau. Ils font mettent en avant les traditions et revendiquent l’héritage historique. Découverte et explications avec Samuel Féréol, chargé de la communication du groupe Choukaj et membre de la cellule groupe à peau de la fédération du carnaval Tropical de Paris.

Qu’est-ce qu’un groupe à peau?

C’est un type de groupe traditionnel indépendant, né d’un mouvement culturel né en Guadeloupe à la fin des années 70, début des années 80, à un moment où il y avait un grand élan indépendantiste, nationaliste, dans le but de gagner en authenticité et de réintroduire un peu de « Guadeloupéanité » dans le carnaval. Certaines personnes trouvaient que le carnaval guadeloupéen commençait à perdre son âme, les gens cherchant à copier le voisin brésilien, trinidadien sans préserver leurs propres valeurs…

L’objectif était de revaloriser la culture locale, souvent auto-dénigrée par les Guadeloupéens. Les groupes à peau sont très appréciés en Guadeloupe car ils permettent à la population de renouer avec ses origines à travers les chants et les déguisements qui font souvent référence aux coutumes, aux mythes de l’île.

Quelles différences y-a-t-il avec les autres groupes de carnaval ?

Les groupes à peau ne se considèrent pas du tout comme groupe de carnaval! Ils y participent mais ils ne sont pas « carnaval ». Les groupes carnavalesques classiques portent des costumes extravagants, des tenues colorés, satinées, bariolés, qui coutent de l’argent, obscènes sexy. Ils ont des chants humoristiques, obscènes, des concours de beauté etc. Les « Wélélé, je suis le plus beau », on n’est pas là dedans ! (rires !) Les groupes à peau ne font pas ça! Ils ne veulent pas rentrer dans le « doudouisme », et donner une image docile, servile ! C’est très important!

Pourquoi ce nom « groupe à peau » ?

Parce que les peaux animales sont utilisées pour les percussions traditionnelles utilisées. Il y a 3 types de tambours: le tambour-chant, assez petit qui se joue avec 2 baguettes, il y a le tambour-contrebasse, plus grand, qui se joue avec une baguette et il y a le métronome, la plus grosse percussion. D’autres instruments sont utilisés comme les conques à Lambi, les chachas etc…

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Samuel Fereol du groupe Choukaj

Le Mass

Qu’est-ce qu’un Mass ?

Avant les groupes à peau, participer au carnaval, en Guadeloupe en tout cas, était réservé à une élite, à ceux qui avaient de l’argent. Et à côté, il y avait le petit peuple qui n’avait pas de moyens. Ces gens là se sont dit : mais pourquoi nous aussi on ne pourrait pas défiler et participer au carnaval ? Et ils se sont mis, dans un esprit revendicateurs et indépendantiste, à défiler en confectionnant eux-mêmes leur costumes faits avec des objets de récupérations : feuille de bananes, cartons, choses à la portée de tout le monde, patchwork de tissus.. défilant à un rythme très soutenu et vigoureux calé sur le rythme des percussions, que l’on a appelé Mass.

Il existe par exemple le Mass à Saint-Jean, joué sur la région pointoise, du nom d’un personnage unijambiste qui ouvrait les parades carnavalesques, les mass à po, le rythme Gwo siwo que l’on retrouve en Basse-Terre. Ils sont ouverts à tout le monde!!!

On va y retrouver le schéma sociétal de l’île avec des Guadeloupéens d’origine européenne, italienne, syro-libanaise, africaine, indienne, chinoise, toute sa créolité, son métissage…

Quels messages véhiculent les groupes à peau?

En Guadeloupe, à partir du moment où il y a une grève, une revendication, une manifestation le tambour est toujours présent! Là c’est la même chose. Le but est que quand ils passent dans la rue, les gens se posent des questions s’interrogent, soient interpellés sur leurs origines et histoire ! Leurs tenues, adressant un message fort à la population, sont toujours plutôt orientées sur l’esclavage, l’histoire de la Guadeloupe ! Il y a par exemple le « mass à roucou » ou le « neg congo » , qui représentent les ancêtres africains mais aussi amérindiens qui étaient les premiers habitants de l’île.

La notion du spirituel

Il y a un fort côté spirituel mais aussi rituel : les groupes ne se déplacent jamais sans encens, pour chasser les mauvais esprits. Il y a aussi en tête de défilé, des jeunes en général, avec des fouets. Il y aurait 2 significations à cela : chasser les mauvais esprits mais aussi pour prévenir que le groupe arrive et de s’écarter ! Mais rien à voir avec l’outil du maitre esclavagiste même si ce que beaucoup pensent.

Pourquoi la prédominance du tambour?

Il ne faut pas oublier qu’à la période de l’esclavage il servait aux esclaves à communiquer entre eux…

Quels sont les groupes historiques ? Quelles différences y a-t-il entre eux?

Il y a Akiyo, Voukoum, Mas Ka Klé, Choukaj… Akiyo créé en 1979, basé sur Grande Terre est le 1er groupe à peau et le plus connu, qui a porté le concept à l’internationale. Il faut savoir qu’à une période il était considéré par les autorités comme un bastion terroriste ayant pris une part active dans le mouvement de grève générale de 2009! Voukoum est le 2è grand groupe de la Guadeloupe mais plus basé sur la Basse Terre. Et nous, Choukaj, on est les enfants des 2! (rire !)

Cet article a initialement été publié sur Blake’s.